Quelquefois il rêvait d'être sélénite !
Ce rêve le hantait depuis son plus jeune âge. Un projet farfelu!
Vint la nuit où il tenta l'AVENTURE, après tout, entre ELLE et LUI, il n'y avait que le CIEL. Mais son voyage se termina dans une pièce de la maison, la grande dame jaune refusant de lui tendre la main pour alunir. Assis sur le sofa, il se contenta alors de la regarder, savourant cet AMOUR platonique dans la pénombre silencieuse. Une brise printanière lui rapportait les dernières nouvelles des étoiles à travers les persiennes. Briser le silence eût été facile, le piano était là. il resta assis, immobile. Jamais il n'aurait imaginé qu'un instrument muet pût autant émouvoir. Et d'ailleurs la maison qui l'abritait en avait été transformée elle aussi. Comme un coquillage ramassé au bord de la mer racontant l'histoire des vagues à l'heureux propriétaire qui y prête l'oreille, cette maison enfantait la musique, il suffisait d'écouter... Mais ce piano-là n'était pas un piano ordinaire. Non. C'était le piano de RIMBAUD. Cette dénomination enivrante était le résultat d'un colloque sentimental avec le facteur d'orgues, ce dernier révélant alors ses origines ardennaise... Le mariage de la musique avec la poésie ne pouvait déboucher que sur un AMOUR heureux. Mais le dormeur du val était-il musicien ? Sans doute et spontanément il devint l'hôte de ses pensées, invité à partager le calme matitunal.
Dehors des voitures passaient. Des poids lourds aussi. Des hommes et des femmes quittaient leur village, leur famille, pour se rendre à leur lieu de travail. Le monde commençait à vivre. A survivre. L'idée d'être obligé de rejoindre tous ces figurants sur la scène de la vie, l'effrayait. Déjà l'aube lui tendait ses joues corallines, mais il n'en voulait pas car le jour allait l'arracher de son empyrée.
Le bonheur s'était consumé comme une bougie. Il prit sa guitare et fit quelques arpèges afin que la rupture fût moins violente. A ce moment-là, il aurait souhaité qu'un enfant entrât dans la pièce et vint lui dire: "S'il vous plaît dessine-moi un mouton".
ELVIS STENGEL